-
Par HDA Edna le 27 Décembre 2013 à 18:14
Théo Mercier a fait irruption sur la scène artistique en 2009. Il expose alors dans le cadre de Dynasty (au Palais de Tokyo et au Musée d’art moderne de la ville de Paris) son Solitaire : une forme monumentale, engluée sous des spaghettis, assise sur un tabouret de cuisine démesurément petit, d’où émergent deux petits yeux. Avec quelques sculptures inventives, mystérieuses et émouvantes, Théo Mercier s’est imposé comme un nouveau point de repère sur la scène française, assumant l’héritage surréaliste qu’il associe avec la culture punk ou le vaudou. En 2012, il présente cette oeuvre dans une exposition au Tri Postal, dans le cadre de Lille 3000. Envahi de souvenirs d’une civilisation indéfinissable, l’espace est scandé de silhouettes et de groupes, variations macabres autour de la figure des fantômes et des écorchés, mêlant humains et animaux dans un même destin grimaçant. Hiératique, ce cheval émerge. D’une précision anatomique dérangeante, son squelette est recouvert d’une pâtée, indistinct mélange de chair vermillon et de graisse blanchâtre. Comme toujours chez Théo Mercier, l’humanité perce sous le fantastique.
Vanité contemporaine
Le temps qui passe renvoie l’homme à sa propre temporalité et à sa mort. La vanité caractérise un genre de nature morte qui se développe au cours du 17e siècle. Fleurs fanées, crânes, sablier, bulles, bougie…sont représentés pour que l’homme médite sur sa vie terrestre. Il peut prétendre au savoir et / aux plaisirs… il n’en est pas moins mortel comme toute chose sur terre. Aujourd’hui, l’art continue à aborder les mêmes thèmes philosophiques mais à travers des techniques et des médiums différents.
_____________________________________________________________________
Théo Mercier est à l'opposé de la pensée occidentale traditionnelle. Il est naturellement schizoïde, mettant sur le même plan des notions considérés contradictoires: la vie et la mort, la joie et la tristesse, le sexe et la bienséance, l'homme et l'animal etc.
Né en 1984, ce jeune artiste semble avoir adopté comme méthode de vie et de travail l’ironie, l’idiotie et l’incongru. Une position difficile dans la vie comme dans l’art. Duchamp et Picabia ont eu du mal à faire comprendre que ce que l’on prenait pour de la légèreté était une autre façon de penser la gravité.
À tout niveau, Théo Mercier est un ovni sur la scène artistique internationale et surtout française. D’abord parce que ses sculptures, qu’on les aime ou qu’on les déteste ne ressemblent esthétiquement à rien de connu. Ses sculptures donnent du plaisir, font rire alors qu’elles sont « sales », au sens ou elles mettent en scène la mort, le sexe, la violence, la tristesse.Pour mieux comprendre l'univers de Théo Mercier :
http://theomercier.free.fr/THEO%20MERCIER%20PORTFOLIO.pdf
votre commentaire -
Par HDA Edna le 27 Décembre 2013 à 10:59
L’artiste :
Née à Leipzig, Allemagne, en 1965, Maike Freess vit et travaille à Berlin. Elle a étudié à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts à Paris, dans l’atelier de Christian Boltanski. Elle enseigne aujourd’hui à l’Ecole de Beaux-arts du Mans. Ses réalisations artistiques comportent des photographies, mais aussi des installations vidéo et des dessins.
« Maike Freess revêt depuis déjà quelque temps son art d’un humour subtil et sans suffisance. Rare dans l’art contemporain où on rigole presque toujours pour montrer combien on est malin. Chez Maike Freess, c’est de la poésie. Purement.» Philippe Ducat, Art Press n°304.
L'oeuvre :
A gauche un homme en costume sombre est attablé devant ce qui semble être un dessert, une grosse pyramide de crème blanche parsemée de fruits (trop) rouges. Il y a aussi un verre d’eau devant lui. Son attitude est compassée, ses jambes sont serrées, et il « se tient bien », comme on pourrait le dire à des petits-enfants dont on veut qu’ils soient bien élevé, les mains sagement posées à coté de l’assiette. De l’autre côté de cette petite table couverte d’une nappe blanche immaculée, s’opère renversement de situation, sa compagne de repas n’a pas de chaise, et elle est installée à l’envers. Elle s’appuie sur ses mains pour tenir en l’air, et ses cuisses serrées reposent sur la table. La position de son corps est construite selon deux angles droits, exactement comme l’homme de gauche. Son dessert à elle, et son verre, identiques à ceux de l’homme, sont posés à même le sol. Il y a fort à parier qu’elle ne pourra jamais les manger. Le format presque carré de la photographie, l’extrême symétrie de sa composition, le point de vue adopté, qui est à la hauteur des convives, l’absence de fond significatif…tout ceci accentue l’étrange effet de retournement possible de l’image, à 180 °, comme on pourrait le faire pour une carte à jouer.
Quelques clefs pour comprendre l’œuvre :
Le titre nous indique « Insomnia 3 », ce qui laisse supposer l’existence d’une série de photographies illustrant d’autres pensées nées de rêveries.
« L’insomnie a du bon chez certains. Au lieu de tourner et retourner dans son lit, Maike Freess exploite au maximum ses délires nocturnes. (…) On assiste à un défoulement de formes réjouissantes. Ce ne sont que des autoportraits. Maike Freess se rêve dans des situations impossibles dont l’interprétation reste hasardeuse. » Philippe Ducat, Arts Press n° 304
Le complément du titre nous annonce « Le Dîner » la situation fantasmatique de ce dîner évoque les recherches des surréalistes, qui eux aussi cherchaient les sources de leurs sujets dans leurs rêves. Ainsi renversée, la jeune femme devient un objet, perd la logique de la position humaine, se transforme en une sorte de poupée inerte. Un élément de sculpture dans l’espace, ainsi qu’on pourrait le voir dans les photographies de l’artiste autrichien Erwin Wurm, One minute sculptures…On pourrait dire aussi, puisque son repas est posé au sol, qu’elle est comme un animal. Dans tous les cas, son statut devient risible.
Dans L’interprétation des rêves, Freud insiste sur le fait que « les rêves des adultes sont presque toujours encombrés de matériaux, absurdes et hétéroclites (…) »
Puisque l’idée vient de ses moments d’insomnie, on peut supposer que Maike Freess n’est pas tout à fait dans le rêve mais dans le « rêve éveillé », tel que Freud le définit. Ce qui devrait être une occasion de communication, voire de séduction dans ce dîner dont la mise en scène comporte tous les clichés littéraires et cinématographiques du « tête à tête » amoureux (vêtements soignés, petite table, face-à-face, dessert kitsch….) devient le ridicule d’un « tête à jambes », où plus aucun échange de regards ni de paroles n’est possible !
« Je ne parle qu’à tes pieds ! »… « Ça te fait les pieds ! »… « Mettre les pieds dans le plat »… « Faire un pied de nez » pour une bien piètre partie de « jambes en l’air » sont autant d’expressions imagées que l’on pourrait décliner pour s’associer avec ironie à cette curieuse situation.
http://www.fdac91.ac-versailles.fr/spip.php?article105
Le désordre est envisagé ici dans l’univers du foyer. Au travers de ce thème, Maike Freess créait un décalage avec la réalité domestique, qu’elle soit portée en dérision ou transgressée. Les objets sont détournés, les espaces bouleversés, les rapports humains tourneboulés. Trois axes se distingueront dans l’exposition : le désordre relationnel, ou comment des artistes représentent des formes de dérèglements sociaux dans l’univers du foyer, le désordre ménager, affectant la disposition régulière et normalement attendue des choses et enfin, le détournement d’objets qui annule toute fonctionnalité de ceux-ci et rend compte de l'univers absurde, décalé et burlesque. Par le biais de l’humour, du grotesque ou de la caricature, sur un ton grinçant, Maike Freess met le spectateur face à une réalité du quotidien qu’il doit « ménager » tant bien que mal. Le désordre offre, outre une possibilité exaltante d’expérimentation plastique, un prétexte pour remettre en question une certaine conformité sociale et un idéal de bonheur véhiculé par la société.
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique